La raison principale de ce premier passage à New York résidait dans cette envie irrépressible d’expérimenter Sleep no more. Ce truc dont on avait parlé à monsieur, qui m’avait ensuite mise au courant de son existence, et pour lequel on a tout de suite, sans réel questionnement, voué une petite fascination… jusqu’à acheter des billets sur un semi coup de tête.
C’est quoi, au juste, Sleep no more?
C’est exactement la question que je me suis posée avant d’acheter les billets… question d’ailleurs peu résolue au moment d’acheter les dit billets, puis que j’ai continué de me poser jusqu’à ce que ça fasse un bon trente minutes que l’événement eut commencé. No joke.
Donc, Sleep no more, c’est une expérience de théâtre immersif créée par Punchdrunk, une production britannique, inspirée d’une pièce de Shakespeare, Macbeth, purgée de tout dialogue, à laquelle sont ajoutés des éléments empruntés à l’esthétisme des films noirs, à l’univers d’Alfred Hitchcock ainsi que des références au procès des sorcières de Paisley, tenu en Écosse en 1697.
Entre autres choses.
D’abord présentée à Londres en 2003, puis à Brookline (Massachussets) en 2009, l’édition New Yorkaise, en co-production avec Emursive, tient depuis 2011 et a lieu au fictif McKittrick hotel (en réalité, il s’agit d’immenses entrepôts de stockage totalisant 100 000 pieds carrés), un « hôtel » de 6 étages contenant près de 100 pièces et environnements différents, situé en plein cœur du quartier Chelsea.
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Comment ça se passe?
Quand on participe à Sleep no more pour la première fois, on s’engage sans trop savoir ce qui nous attend. Les instructions sont limitées, les informations fournies en amont aussi… Ce qui rajoute, je dois le dire, une petite touche d’exotisme calculé à l’expérience.
1. Trouver le McKittrick hotel
Lors de votre réservation, on vous dira à quelle adresse et à quelle heure vous présenter. Il faut savoir que le McKittrick hotel, bien qu’énorme à l’intérieur, se fait discret de l’extérieur. Outre une petite plaque sur une grande porte anonyme, rien n’annonce sa présence.
Donc, à l’heure donnée, vous vous présentez à l’adresse indiquée pour faire la file sur le trottoir. On y vérifiera votre identité (Sleep no more ne délivre pas de billets; votre nom est inscrit sur la liste d’invité·es, tout simplement), puis on vous fera entrer.
Si vous aviez réservé un repas ou décidé d’aller prendre un verre au Gallow Green avant (je le recommande), vous devrez tout de même sortir à nouveau de l’immeuble pour aller faire la file à l’adresse indiquée, juste à côté.
Note : au moment de mon passage (février 2023), le port du masque était encore obligatoire à certains endroits à New York, dont Sleep no more. Des masques étaient donc distribués dans la rue pendant que nous faisions la file.
HALTE LÀ !
Si vous désirez vivre l’expérience avec le même niveau de connaissance que moi à ce moment-là, arrêtez votre lecture ici (je sais, ce fût court). Je vous propose donc quelques articles pour vous évader de cette page efficacement :
- [Expérience] Repas mystère dans l’obscurité totale au restaurant le 6e sens
- 2 mois à Bali : RÉTROSPECTIVE ET ITINÉRAIRE
- Randos Bière en France : j’ai testé une rando bière sur la Côte d’Opale
- 7 récits de voyage à offrir à un grand voyageur ou une grande voyageuse
Si vous choisissez de poursuivre votre lecture, sachez que je ne dévoilerai que ce qui ne me semble pertinent, en tâchant de ne pas outrepasser le désir d’alimenter le mystère mis de l’avant par la production.
OK, on continue !
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2. En route vers le Manderlay Bar
Vous passez ensuite par 5 étapes :
- D’abord, vous laisserez sacs et manteaux au vestiaire obligatoire (4 USD/personne).
- Vous passerez ensuite par une première station, où l’on vous remettra un petit sac à porter en bandoulière, dans lequel vous devrez insérer votre téléphone portable, éteint (et tout autre objet de valeur que vous ne devriez pas laisser dans votre manteau ou dans vos poches), ainsi qu’une carte à jouer.
- À la station suivante, le sac sera cadenassé. Vous n’aurez donc pas accès à votre téléphone durant toute la durée de la pièce, jusqu’à votre sortie, où il sera décadenassé.
- Vous longerez ensuite un long couloir sombre serpentant jusqu’au Manderley bar, sorte de réplique mystique des speakeasy de l’époque de la prohibition, où vous pourrez boire un verre en attendant de joindre la pièce.
- De là, les cartes seront appelées de façon aléatoire. Petit groupe par petit groupe, l’on vous invitera donc à monter à bord de l’ascenceur, où l’on vous remettra un masque blanc. Notez que vous pourriez être séparé·e de votre partenaire dès ce moment.
- Dans l’ascenceur, l’on vous donnera quelques rares instructions :
- Conservez votre masque blanc en tout temps.
- Vous n’avez, surtout, pas le droit de parler durant toute l’expérience.
- Laissez de l’espace aux artistes.
- Adressez-vous aux personnes portant des masques noirs si vous désirez quitter l’aventure.
- Quand la porte de l’ascenceur s’ouvrira, vous aurez à faire un premier choix : downstair ou upstair? Choisissez l’un ou l’autre et commencez à explorer!
Bon à savoir : L’interdiction de ne pas prendre de photos ou de vidéos est prise très au sérieux. D’ailleurs, en faisant mes recherches, je me suis étonnée de ne trouver que peu d’informations visuelles à propos de l’événement (histoire de me préparer psychologiquement), ce qui, avec du recul, me semble une excellente affaire. Le mystère reste entier et cela rajoute à l’intensité du vécu sur place.
Quelques petites instructions implicites
Au delà des rares instructions officiellement dictées, l’on pourrait rajouter ce qui semble implicitement proposé :
- Vous pouvez très majoritairement explorer librement toutes les pièces, toucher aux décors, ouvrir les tiroirs, lire les écrits, aller où bon vous semble.
- Vous pouvez suivre un·e acteur·rice tout le long, en suivre plusieurs, vous éloigner des scènes, etc. Libre à vous d’explorer comme bon vous semble!
- Si une actrice ou un acteur tente un contact visuel avec vous et que vous le soutenez, il est possible qu’il ou elle vous invite à une interaction « one on one ». Dans ce cas-ci, il est possible qu’il vous parle, vous emmène dans une autre pièce, vous donne une parcelle d’information ou montre un élément inédit. Soyez à l’aise de refuser (mais, pour l’avoir vécu, je vous suggère FORTEMENT d’accepter!).
Comment orienter l’expérience?
Grosso modo, à partir de là, il y a deux façons de vivre Sleep no more.
La première, disons la plus « logique », consiste à trouver d’abord une première scène, à choisir un personnage et à le suivre tout au long de la pièce (la pièce dure une heure et est répétée 3 fois). Cette façon de faire a l’avantage de permettre de mieux comprendre l’histoire, mais rend plus ardue l’exploration libre. Si vous choisissez cette option, attendez-vous à parfois courir d’un étage à l’autre!
La deuxième, que j’appelle la méthode « free for all », implique d’errer d’étage en étage, de pièce en pièce et d’aller là où bon vous semble sans tenter de suivre un des personnages en particulier. L’avantage de cette façon, c’est qu’elle permet de se retrouver dans des lieux où il ne se passe pas nécessairement grand-chose, de prendre le temps de vous imprégner de l’ambiance, de découvrir des éléments plus subtiles et de ne pas toujours être dans un groupe de personnes.
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Deux personnes, deux expériences complètement différentes!
Sans aucune surprise, monsieur a opté pour la méthode « logique » (je ne l’ai su qu’après) alors que je m’en suis donné à cœur joie dans toute ma « freeforallness ». Ce n’est qu’une fois sorti·es de là, sur le trottoir de la 27th street, qu’on s’est raconté nos expériences… et qu’on s’est rapidement demandé si on avait assisté au même événement!
Pour résumer : je n’ai quasi rien compris de l’histoire (ce qui ne m’a pas empêchée de me régaler de toutes les minutes passées dans le McKittrick hotel), mais je me suis baladée dans un nombre incalculable de pièces où monsieur n’a jamais mis les pieds. Un étage – un étage complet! – ne lui disait absolument rien, c’est pour dire!
Vivre l’expérience séparément rajoute vraiment du charme à l’aventure. Et la multitude de façons de la vivre, cette aventure, rajoute au mystère qui l’entoure. Et puis, là, je n’ai qu’une envie : y retourner dès que possible!
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Théâtre immersif, tu dis?
Parlons-en encore un peu de cette fameuse immersion.
À l’habitude, au théâtre, les acteurs et actrices se trouvent sur une scène, dont les changements de décors transporteront l’action en différents lieux, pendant que l’audience assiste à l’entièreté de la pièce, immobile dans une salle.
Dans Sleep no more, l’action se déroule en temps réel dans l’entièreté de l’hôtel (je rappelle, sur 6 étages) et c’est le public qui doit se déplacer, n’assistant jamais complètement à l’ensemble des actions, certaines d’entre elles pouvant avoir lieu simultanément.
On parle aussi de théâtre immersif plutôt que participatif, puisque les actions de l’audience n’ont aucun impact sur le déroulement de l’histoire et qu’à l’exception des expériences « one on one » (j’y reviens), l’interaction entre les artistes et le public sont limitées.
Une immersion par tous les sens
Sleep no more, c’est un petit chef d’oeuvre d’immersion. Tous les sens sont mis à contribution. Chaque pièce, chaque lieu (plus de 100 différents) se distingue par son éclairage, son ambiance sonore, ses odeurs, ses textures et même ses goûts. Certain·es participant·es ont pu goûter des sucreries dans une des pièces (un candy shop), une a rapporté recevoir de la pluie.
Une exploration libre
En outre, les participant·es sont libres d’explorer comme bon leur semble. L’on peut ainsi choisir de s’isoler à l’écart de l’action, s’asseoir, ouvrir les placards, lire des notes laissées sur un bureau, en fouiller les tiroirs. Certain·es participant·es rapportent même avoir trouvé des clés permettant d’accéder à des pièces autrement inaccessibles.
Les expériences « one on one »
Durant les scènes, le public, bien qu’il lui soit demandé de laisser de l’espace aux comédien·nes, peut s’approcher relativement près. Lorsqu’un artiste réalise un contact visuel avec une personne de l’audience, il peut arriver que cette dernière soit invitée à une expérience « one on one ». L’artiste lui tendra alors la main et la personne choisie, si elle accepte, sera amenée à l’écart du public, souvent dans une pièce à laquelle il est impossible d’accéder par soi-même et vivra une interaction qui jettera souvent un nouvel éclairage sur l’énigme globale.
HALTE ENCORE!
Donc, ici, si tu ne veux aucun spoiler sur les possibilités de « one on one », descends vite vite jusqu’à l’image suivante.
Mon expérience « one on one »
J’ai eu la chance de vivre un tel moment avec Nurse Shaw, après une scène intense, chargée et magnifique dans une pièce de l’aile psychiatrique. Nous étions une douzaine à y assister. Une fois sa prestation terminée, juste avant de sortir de la pièce, elle s’est retournée, m’a tendue la main (je lui ai rapidement tendue la mienne, sachant où cela pouvait me mener) et m’a amenée plus loin dans le couloir.
À ce moment, les autres spectateurs nous ont suivies. Elle s’est approchée de mon oreille, m’a chuchotée : « wait here » et est entrée dans une pièce (son bureau?) jusqu’alors fermé à clé. Quelques spectateurs sont partis, d’autres curieux sont restés pour voir ce qui allait se passer… Nurse Shaw est ressortie, m’a tirée par le bras pour me faire entrer dans le bureau et a refermé la porte derrière moi.
À clé.
Elle m’a ensuite approchée, observée, d’un regard soutenant, profond. Puis, m’a enlevé mon masque (!). Elle m’a ensuite prise (oui, oui, prise!) dans ses bras, m’a installée sur un divan (de ceux qu’on trouve dans les vieux films), m’a touché le cou, observée, avant de m’allonger puis de m’abriller d’une lourde couverture.
Se sont ensuivies quelques minutes que je ne raconterai pas, puisqu’elle m’a ensuite chuchoté à l’oreille « don’t tell », avant de me remettre mon masque et me foutre prestement à la porte. Toute l’interaction doit avoir duré environ 10 minutes.
ICI, C’EST BON…
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Mon avis sur Sleep no more
Je pense que vous l’avez compris. Sleep no more tombe dans mes cordes.
Sleep no more marie magnifiquement bien la performance théâtrale et la danse expressive dans un univers sonore, musical et matériel dans lesquels s’entremêlent des éléments tout droit sortis des années 30, du temps de la prohibition, des histoires mystérieuses et une ambiance inquiétante.
Les chorégraphies impeccablement orchestrées et exécutées, l’attention portée aux détails – sonores et matériels -, la justesse des comédien·nes, l’intensité de l’atmosphère, la multitude de références à des oeuvres et histoires connues, la finesse des décors et l’unicité du storytelling m’ont époustouflée.
En gros, j’ai ADORÉ.
Et malgré le prix élevé, je n’espère qu’une chose : y retourner.
Mais est-ce pour tout le monde? Je ne le crois pas. L’expérience expose à la nudité et au sang dans une ambiance mystérieuse, parfois inquiétante, qui pourrait rendre certaines personnes mal à l’aise. Néanmoins, j’aimerais préciser qu’il ne s’agit pas de ces bonnes vieilles histoires de fantômes, d’horreur ou d’épouvante.
En outre, l’expérience implique BEAUCOUP de déplacements. En toute honnêteté, j’avais sous-estimé l’implication physique en me disant « que ça ne devait pas être si pire que ça ». J’ai fini par monter et descendre l’équivalent de 17 étages et marcher un peu plus de 2,5 km. Après avoir déjà parcouru 26 kilomètres (dont 6 à la course) dans la journée, j’ai terminé l’activité en bouettant.
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Mes conseils si vous participez à Sleep no more
- Portez des souliers confortables : vous marcherez BEAUCOUP, monterez et descendrez plusieurs étages et il se pourrait même que vous couriez à l’occasion. Par exemple, j’ai parcouru 2,5 km et monté (puis descendu) l’équivalent de 13 étages.
- Si vous êtes accompagné·es, séparez-vous une fois l’expérience commencée. Pour vrai. Ne soyez celui ou celle qui ne lâche pas la main de son ou sa partenaire tout le long, c’est incommodant pour les autres participant·es. En outre, vous profiterez mieux de votre expérience en explorant de façon autonome, augmenterez les chances de vivre un « one on one » et aurez encore plus de choses à vous raconter à la fin. Par exemple, monsieur et moi avons vécu deux expériences com-plè-te-ment différentes!
- N’hésitez pas à soutenir le regard des comédien·nes. (vous pourriez vivre un « one on one »), à explorer des pièces non fréquentées (vous pourriez être témoin d’éléments particuliers) ou à fouiller (qui sait ce que vous pourriez trouver?).
Infos pratiques en vrac
- Pensez à réserver suffisamment d’avance : l’expérience est populaire et relativement limitée.
- Lors de la réservation, vous aurez le choix d’heures différentes. Plus vous arrivez tôt, plus vous aurez le temps de prendre un verre ou d’explorer avant le début officiel de la représentation. Pour ma part, nous sommes arrivés à 19 h et sommes rentrés parmi les premiers et je ne regrette pas être arrivée tôt pour une première expérience.
- Pour réserver : Sleep No More | McKittrick Hotel
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3 commentaires
Ce n’est vraiment pas pour moi, mais fille adorerait je suis certaine. Reste que je n’avais jamais entendu parler de cet événement, merci pour la découverte!
Ce n’est définitivement pas pour tout le monde! Mais si c’est le genre à aimer ce type d’activités, je crois que ta fille adorerait! :)
J’ai fait cette expérience en 2015 et j’en suis sortie tourneboulée, mais dans le bon sens, je ne sais pas combien j’ai pu faire d’aller-retour à chaque étage, en tout cas je n’ai pas vu le temps passer.
Il y a un autre « spectacle » en ce moment, je me tâte à réserver.