Voyager aux quatre coins du monde a préparé ma famille au confinement. Je sais, le constat est d’un paradoxal ennui, on l’aurait presque vu venir, mais il m’a sauté au visage en ce vingt-sixième jour de semi-confinement.
Je n’irai pas m’enrouler dans le remâché journal de confinement. D’abord, ce serait très inintéressant pour vous, vu le déroulement typique et répétitif de ces journées qui durent des semaines et de ces semaines qui passent en un clin d’oeil.
Ensuite, je suis loin de faire pitié, étant plutôt privilégiée dans le contexte, n’ayant vu aucune baisse de travail (au contraire), pouvant poursuivre et terminer ma session universitaire et partageant ma vie avec quelqu’un qui est non seulement intouché par la situation, mais qui à la limite, en est accomodé.
Bref, je ne suis pas à plaindre. Notre mode de vie flexible et hautement adaptatif de la dernière décennie semble avoir été mis en place exactement pour une situation comme celle-là. M’enfin. L’idée n’est pas de #brag ma réalité qui ne s’en porte pas trop mal au quotidien, mais plutôt de débroussailler un peu l’impact plus subtile, et évidemment moins dramatique que pour d’autres qui m’entourent, que la situation a sur moi, sur nous.
Et surtout… comment notre mode de vie flexible et géographiquement libre nous a préparé ma famille et moi à faire face à ce genre de situation.
Parce qu’on se le dise : passer plusieurs semaines 24/24 ensemble tous les 5, sans réseau social, ce n’est vraiment pas la première fois qu’on le vit. La différence, cette fois-ci, c’est que les vagabondages d’un endroit à l’autre et les découvertes quotidiennes d’une réalité différente ne sont pas au menu.
Comment le voyage nous a préparé au confinement
D’un côté, s’envoler à l’autre bout du monde pour y passer des mois à s’imbiber de nouveautés, de mouvements, de découvertes quotidiennes, à s’agglutiner dans des lieux prisés, à s’empiler dans les transports en commun et à socialiser à tous vents avec quiconque croise notre chemin.
De l’autre, vivre à l’ère pandémique du confinement, de la distanciation physique-mais-pas-sociale? Ne plus quitter ces quatre murs, éviter les passants, garder les ami.e.s et la famille élargie à distance, faire des détours, revivre chaque jour la même journée des semaines durant.
On pourrait croire que cette habitude à parcourir le monde, à transporter notre petite vie à gauche et à droite du globe au gré de nos envies nous aurait plutôt prédisposés à souffrir de telles mesures.
Pas tant.
Se passer du réseau social physique
Chaque voyage au long cours nous a amené à s’organiser sans réseau social physiquement disponible, parfois sans commodités accessibles, à se contenter de peu et à passer le temps avec rien.
Passer 150 % du temps ensemble
Chaque voyage au long cours nous a permis, voire obligé, à développer cette capacité à s’empiler les uns sur les autres, à passer 150 % du temps ensemble, à respirer le même air, à partager ces aires de vie parfois restreintes, parfois mésadaptées, à trouver des moyens de s’éviter dans 4 pieds carrés ou à collaborer même quand l’envie n’y est pas, parce que pas le choix.
Adapter nos méthodes de travail à distance à la présence des enfants
Chaque voyage nous a amené à adapter nos méthodes de travail à distance, lequel fait déjà partie de nos vies à temps plein depuis plus d’une décennie. À gérer les communications d’équipe envers et contre toutes les connexions Internet de merde, les fuseaux horaires dont on oublie parfois comment les calculer, l’éloignement, les écueils des communications textuelles et de l’absence de traits physiques pour les comprendre et les nuancer. Ça, c’est une chose.
Mais adapter nos réalités de travailleurs à distance à la présence constante des enfants, ça en est une autre. Chaque voyage, de configuration différente, nous a amené à revoir nos façons de faire, à remanier l’horaire, à changer de cap suivant les besoins des enfants qui grandissent et évoluent. J’en avais parlé brièvement au retour de deux mois en Europe, puis au retour de notre grand tour du Québec de 5 mois, des expériences qui avaient été bien différentes de nos 11 mois en Australie ou de cette demi-année en Asie.
Gérer l’imprévu
Chaque voyage nous a amené à gérer l’imprévu, à s’y faire en moins de deux, à se retourner sur un trente sous, à vivre sans ou à vivre avec, dans le positif comme le négatif, à se faire à une nouvelle situation, qu’elle plaise ou non.
Se confronter à l’ennui
Chaque voyage slow nous a confronté à l’ennui, au temps qui passe, un temps parfois long, vide, gris, parfois intense, déstabilisant et éclaté. Je pense à ces journées qui n’en finissaient plus de finir à Buakped ou compter les expirations à Phrao, ou encore à cet empilement de 6 personnes dans un 1 et demi à Taipei alors que la santé flanchait de toutes parts.
Sans verser dans la malhonnêteté
Il serait malhonnête de dire que l’extrovertie en moi n’en prend pas un coup en pleine gueule. Que je m’accomode tranquilou de l’immobilité et de l’impossibilité de partir sur un coup de tête à l’autre bout du monde, ou de la province, ou de la région, à sillonner les routes à la recherche de spots de rando intéressants, à aller visiter des ami.e.s trop loin de moi dont la présence dans ma vie joue un rôle plus qu’important, à visiter la famille, ou à me fondre aux comptoirs des microbrasseries que je croise.
Ce serait mentir que de dire que la fermeture des régions ne m’affecte pas, que je n’entretiens aucune crainte quant à la durée de cet épisode distanciatif.
Ce serait faux de prétendre que je ne me heurte pas, moi aussi, à l’occasion, à un mur psychologique sur lequel je me frappe le crâne, tenant tendrement d’une main les souvenirs d’une pas si lointaine liberté voyageuse et broyant de l’autre les projets de périples prévus, puis annulés.
L’instabilité qui facilite l’adaptation à la stabilité
Mais, hormi ces moments de dérapage où je me sens glisser dans un (mal)heureux mélange de nostalgie, de craintes et de découragement, j’appelle en renfort ces expériences déstabilisantes de voyage qui ont fait de moi ce que je suis aujourd’hui et qui contribuent une adaptation adéquate à la situation.
Je remercie l’effet de ces voyages parfois longs et éreintants qui ont forgé le caractère de mes enfants.
Je louange ces épisodes parfois difficiles de cohabitation et de promiscuité à l’autre bout du monde qui ont façonné notre vivre-ensemble.
Ma plus grande crainte, aujourd’hui? (En dehors de celles liés à la santé de mes proches) Devoir attendre encore plusieurs semaines ou mois avant de serrer dans mes bras ces am.i.e.s et cette famille dont la présence me manque un peu plus jour après jour.
Et vous, ça se passe comment chez vous?
Vous pourriez aussi passer le temps avec :
- Ce qu’on va trouver à Phrao, Thaïlande
- Prendre le temps de trouver le temps long, à Buakped
- Pensées d’un trait une semaine avant le retour
9 commentaires
Merci pour cet article et bon courage pour reconstruire des nouveaux projets d’évasion.
Merci à toi pour ce petit mot Tiphanya, j’espère que tout se passe bien de ton côté! xx
Je veux juste pointer le »Passer 150 % du temps ensemble » – L’utilisation du 150% m’a bien fait rire. Lol!
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