J’écris aujourd’hui sans retour sur mes mots, sans intro et sans plan.
Aujourd’hui, j’ai 35 ans
Quand j’en avais 20, je m’étais dit qu’à 30 ans, j’allais avoir voyagé dans au moins 30 pays. But futile s’il en est un, mais coudonc, je me suis vraiment dit ça jour.
Maintenant, ces buts inanes et ces accumulations calculées se trouvent terriblement loin de ma vision du voyage. En fait foi ce sac à dos habillé de drapeaux que je cache désormais sous un revêtement opaque. Si on prend tout le temps passé à barouder sur quelques continents, j’aurais effectivement eu le temps de visiter (pas de « faire », car je ne sais toujours pas comment on fait les pays), 30, 40, peut-être même 50 ou 60 contrées! Et si mon but avait été seulement d’y mettre les pieds, les années m’aurait certainement permis de faire grimper ce chiffre à quoi? 70, 80?
Si j’avais conservé la cadence de mes premiers vagabondages, les dizaines s’accumuleraient avec confiance, mais l’expérience suivrait-elle vraiment la parade?
Avec le temps, j’ai décéléré
Avec le temps, j’ai décéléré. Je me suis même parfois enfargé le coeur et l’esprit dans des p’tits bouts de terre, m’en suis amourachée, m’y suis temporairement et superficiellement enracinée avant de m’en extirper pour poursuivre mon chemin. J’ai traîné, lambiné, flâné. J’ai pris le temps, l’ai fait mien, me le suis approprié.
J’ai gribouillé de lignes cassées et illogiques, des tracés sinueux, spontanés, sans queue ni tête, sur des cartes imaginaires que j’ai déjà cru maîtriser. J’ai accepté la légèreté frivole de l’effleurement, mais je préfère encore la subtilité des profondeurs parfois difficilement saisissables.
Je me suis heurtée, à peine majeure, au groupe peut-être trop féminin pour l’étroitesse de ma patience, dans une Espagne qui a levé le voile sur mes premières peurs étrangères.
Puis, j’ai levé le pouce bien haut, les poches vides mais le coeur plein, sur les routes d’Europe, l’esprit parfois aviné et la confiance transitoirement efflanquée, avec pour seul bagage ma naïveté, mon amour, une tente deux places et un ouvre-bouteille.
L’Amérique du Sud m’a ensuite élevée dans ses hauteurs fraîches et confrontantes. J’allais vite à l’époque!
Puis, un jour, je suis devenue mère
Puis, un jour, il y a 10 ans, je suis devenue mère. En toute conscience, craquelant les prédictions et les intentions du passé. Et j’ai atterri en Australie où j’ai découvert les plaisirs du flânage en même temps que ceux du maternage, du regardage du temps qui passe et du moment qu’on espère présent, mais qu’on a toujours tendance à presser un peu, comme un citron, comme s’il nous devait quelque chose.
J’y ai touché une autre dimension de l’ailleurs, j’ai perdu l’équilibre, j’ai ragé, j’ai rêvassé, j’ai aimé. J’ai tellement aimé que j’y ai concocté une vie, puis deux, en ai égaré une ou deux au passage, trois petits tours et puis s’en vont, ou s’en reviennent, c’est selon.
Et il y a eu l’Asie, où j’ai pu dire merci à Buakped que je ne reverrai jamais, à Phrao dont on fait le tour en 3 expirations et où, selon ma fille aînée, les horloges allaitent vite, maman.
Retour en Europe, sans même viser un nouveau drapeau, sans rajouter d’étampes sur ces passeports dont on se fout au fond du contenu, dont seule la liberté de mouvement qu’ils procurent importe vraiment.
Aujourd’hui, j’ai 35 ans
J’ai aujourd’hui 35 ans. Je me sens vieille et jeune à la fois. Plus jeune que vieille. On aura beau dire « c’est juste un chiffre », mais celui-là, allez savoir pourquoi, je le trouve particulièrement sexy.
C’est juste un chiffre, mais il correspond, dans mon cas, à un moment de vie où le contenu l’emporte sur le contenant, où je balance avec délice les listes mentales de choses à faire, à voire, à manger, à expérimenter, à toucher, à compiler, à compter et à raconter. Un espace-temps où tout ce qui compte, c’est d’être bien, ici ou ailleurs, dans l’ordinaire comme dans l’extraordinaire, à tenter de confondre ces derniers afin que cesse cette distinction absurde entre ce qui « mérite » un détour ou non.
Je n’attends plus dans une pénible impatience toujours et encore le prochain départ. J’embrasse les entre-deux, les départs autant que les retours, les là-bas et les ici. J’ai n’ai plus « besoin » des voyages pour être heureuse, bien qu’ils continuent d’enjoliver mon REER mental. Ce que j’ai d’invisible me suffit; le reste, c’est du bonus.
J’ai 35 ans et je regarde par dessus mon épaule cette jeune backpackeuse, même pas 20 ans encore, s’élancer pour des mois sur les routes européennes sans savoir où elle dormira le soir venu, tendant le pouce, la patience dans le piton, et je souris; on dirait que c’était hier, mais que ça ne s’est jamais produit.
J’ai 35 ans et j’observe, une décennie devant, cette jeune mère qui ne se pose même pas la question à savoir si partir à l’autre bout du monde avec son bébé, et l’autre en construction, est possible ou non. Elle part, c’est tout. Je l’admire, parce qu’on dirait que jamais je n’aurais été capable de faire ça.
J’ai 35 ans et je regarde l’évolution de ma façon de voyager, mais surtout, oh oui, surtout, de ma façon de voir la vie, d’appréhender le bonheur. J’embrasse cette simplicité qui s’est immiscée doucement dans mes rêves plus grands que nature sans même les rétrécir, tout en leur donnant un nouvelle visée.
Je saisis ces élans de changements et cette flexibilité calculée, cette instabilité réfléchie, qui m’ont menée ici et qui poursuivent doucement leur mission. J’aime ce que la maternité a apporté dans ma vie – à ma grande surprise, il faut le dire – l’importance accrue du vrai, du beau, du doux, du simple. Surtout du simple.
Si l’histoire de mes voyages était une fanfare
Si l’histoire de mes voyages était une fanfare, elle manquerait probablement de coffre, défilerait lentement, mais elle serait bien accordée. Je marche lentement avec plaisir vers les réalités d’un ordinaire, souvent déconcertant, sans bouder ces images vues mille fois, souvent avec raison.
Je me fous de plus en plus de ce qui impressionne ou non, de ce qui est aventureux ou pas, instagrammables ou non. Ne sont battus que les sentiers que l’on veut bien interpréter comme tels et ce qui en sort vraiment ne se voit pas de l’extérieur.
Si seulement on pouvait photographier une odeur, un goût, un état d’esprit, un ressenti, une ambiance. Parce que c’est de là selon qu’émergent les plus grands marqueurs du voyage. Maintenant, que me reste-t-il? Les mots. Pour exprimer, tant bien que mal, ces résonnances intérieures de mes réalités dont la traduction tend vers l’approximation.
Aujourd’hui, j’ai 35 ans. C’est rien qu’un chiffre qu’on dit. Je le pense aussi. N’empêche que je trouve celui-ci sacrément sexy.
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13 commentaires
<3 et bonne fête !
<3 et merci! :)
« J’embrasse cette simplicité qui s’est immiscée doucement dans mes rêves plus grands que nature sans même les rétrécir, tout en leur donnant un nouvelle visée.» Quel beau billet!
Merci Marie-Julie <3
C’est beau et ça fait du bien de lire ça!
Bonne fête encore.
Merci pour ce doux commentaire et merci encore :)
Très beau texte!! Il est à la fois poétique et vibrant! :) Et bonne fête en retard! ;)
Oh merci ma chère! :)
J ai comme envie d’avoir 35 ans maintenant
Haha! ;)
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